Chercher sans se lasser, croire avoir trouver et in fine démonter les ficelles de la société Google en les utilisant. Blog aussi sur Web 2.0, interoperabilité, Sciences & langages & neurosciences). En 1943, Valentin, le chef de la Légion des combattants nommé par Pétain, rejoint Londres et fait diffuser un message d'autocritique et dénonce la faute toujours présente: "On ne reconstruit pas sa maison pendant qu’elle flambe!". SAPERE AUDE!
vendredi 24 avril 2009
De la nourriture terrestre à la nourriture céleste
De la nourriture terrestre à la nourriture céleste: "Se nourrir n’est pas une activité propre à l’homme. Ce dernier la partage avec tout être vivant, plante ou animal. Pourtant, pour l’homme, la nutrition ne semble pas se réduire à un processus biologique. Lorsqu’il se nourrit, il paraît le faire de manière particulière, par un repas et la préparation des aliments. Dès lors, notre manière de manger ne manifeste-t-elle pas plus que l’activité d’un corps vivant ? Au-delà du sens naturel, n’y a-t-il pas une signification culturelle et religieuse de la nourriture ?
Se nourrir, un processus biologique
Se nourrir est une activité propre à l’être vivant. C’est un processus biologique qui rapproche l’homme de la plante ou de l’animal. Comme vivant qui se nourrit, l’homme est plus qu’une pierre, un glacier ou une étoile. Je mange une banane en ouvrant la bouche et en la détruisant avec mes dents et mon estomac. L’être vivant, à la différence de l’être inerte, peut assimiler l’autre à soi. Il intègre l’aliment extérieur pour qu’il devienne intérieur à soi, en se transformant à l’intime de lui-même. Cela suppose à la fois une plus grande unité et une ouverture sur l’extérieur. L’animal a une peau et une gueule. La plante a une écorce, des racines et des feuilles. La pierre a une surface et pas d’ouverture. Si le glacier «grandit» c’est par accumulation externe et non par digestion interne et transformation de l’aliment. La terre n’a pas vraiment d’entrailles mais une croûte terrestre, durcissement externe du magma. En revanche, l’être vivant manifeste une plus grande unité par sa délimitation externe (peau, carapace, écorce) et par la capacité à s’ouvrir sur l’aliment extérieur pour l’assimiler en soi. La nutrition n’est pas un amas extérieur, mais la digestion de l’autre en soi. Mais pourquoi ce besoin d’assimiler l’autre à soi ? En fait la vie est une lutte contre la mort. Je mange pour ne pas mourir de faim. Il faut manger pour vivre. La nourriture est un apport d’énergie externe, qui va à l’encontre de la dégradation du vivant. Se nourrir c’est lutter contre l’entropie, c’est-à-dire la tendance de tout être à se détériorer. Avec le temps, les choses ont plutôt tendance à s’user, à aller vers moins d’ordre. L’être vivant assimile l’aliment pour organiser un ordre propre, l’organisme vivant. Manger c’est reprendre des forces. La nourriture est une lutte contre le dépérissement. Et cette lutte contre la mort est un désir de subsistance de l’individu, de demeurer soi-même dans le temps. L’autre processus propre à l’être vivant est la reproduction, c’est-à-dire la génération d’un être semblable à soi selon l’espèce. Le chat engendre un autre chat. Dans la reproduction, ce qui subsiste c’est l’espèce animale ou végétale. Mais un individu disparaît pour un autre individu. En revanche, la nutrition est volonté de permanence de l’individu. En mangeant, je lutte contre ma propre dégradation. C’est mon existence qui est en jeu. Même si la mort biologique est irrémédiable, manger c’est pouvoir subsister un certain temps.
Se nourrir, un acte culturel
Se nourrir est bien pour l’homme un processus biologique qui le rend semblable aux plantes et aux animaux par l’assimilation de l’autre à soi, la lutte contre la mort et la subsistance temporaire de l’individu. Pourtant, la personne humaine ne se réduit jamais à sa dimension physique et biologique. La nature de l’homme est culture. Se nourrir a aussi une signification culturelle qui semble vouloir dépasser son sens biologique. L’homme mange pour vivre, mais il peut aussi vivre pour manger. Voyons comment l’être de culture renverse le processus purement biologique. Si je mange en assimilant l’autre, en dévorant l’aliment, la nutrition humaine est aussi rencontre de l’autre. Le repas est un échange. Il est le lieu et le moment où se rencontre la famille. Que ce soit de manière quotidienne ou exceptionnelle les jours de fête, le repas est le lien qui unit des personnes. Le repas est convivial. Il nous permet de vivre ensemble. En se passant les plats, on s’échange des paroles. La nutrition humaine est communion des corps et des esprits. La discussion et le jeu libre de la parole expriment le rapport à autrui. Non seulement le repas signifie ma relation à l’autre, mais il marque mon identité sociale. Chaque pays et région ont leur spécificité culinaire. Et ma manière de ma tenir à table manifeste une éducation, une culture, une certaine politesse. Roter à la fin d’un repas n’est pas un signe de politesse dans toutes les cultures. Par ailleurs, si la nutrition est une lutte contre la dégradation de la mort, c’est aussi pour l’homme un certain rapport au temps. L’homme prépare sa nourriture. L’animal la mange telle qu’elle se donne dans la nature. L’homme cuit ses aliments. Et s’il les mange crus comme les animaux il les assaisonne et les prépare. Il y a un temps avant le repas de préparatifs des aliments et du cadre dans lequel on mange. Et le repas revient régulièrement pour suspendre le temps et les activités. Manger c’est prendre le temps de se reposer. La vie se rythme de moments, où la fuite en avant de la vie semble s’arrêter. Prendre le temps de s’asseoir et de s’installer à la table, c’est poser une stabilité dans un flux qui nous emporte. Par la préparation et le repos du repas, la nourriture humaine semble vouloir ralentir la dégradation du temps. L’homme se refuse tellement à ne voir dans la nutrition qu’un processus biologique, qu’il en fait un acte esthétique. Il met en scène son désir. Manger ce n’est pas simplement rassasier un besoin en attendant l’activité mécanique de la digestion. Manger c’est un plaisir et un loisir, un moment de gaieté, dans la lourdeur des jours. Il y a un rituel : l’heure du repas, l’entrée, le plat central, le dessert, la table, les couverts, la boisson. La mise en scène et le spectacle sont essentiels. On ne mange pas n’importe comment. A telle enseigne, que certains en font un lieu de raffinement. La cuisine devient l’art culinaire. Et cette activité esthétique aurait le privilège de faire jouer nos cinq sens. Le décor est important. L’ambiance ou le silence sont essentiels dans un restaurant. Mais ce n’est pas simplement un art de l’ouïe comme la musique, ou de la vue comme la peinture. Le toucher des couverts, l’odeur des plats et le goût des aliments achèvent de mettre tout notre corps sensible en action. Si se nourrir est une communion des esprits, un acte temporel et esthétique, c’est qu’à travers le corps c’est la dimension psychologique de la personne qui est en jeu. Par la nourriture, on atteint le moral et l’âme de l’homme. Sur un bateau, le talent du cuisinier est de la plus haute importance. La forme de l’équipage peut dépendre de ce qu’il y a dans les assiettes. Et sur terre, certains compensent en mangeant trop, pour d’autres l’angoisse et le stress leur coupent l’appétit. Sans aller jusqu’aux extrêmes de la boulimie et de l’anorexie, il faut reconnaître que notre manière de manger manifeste notre bonheur ou notre mal-être. Pourquoi cette angoisse de ne pas savoir ce que l’on mange dans les produits de l’industrie agro-alimentaire ? Peut-être que l’inconnu de l’aliment que j’absorbe en moi est l’écho de ma propre ignorance sur moi-même, sur qui je suis vraiment. En mangeant des aliments que je connais j’essaie de me rassurer sur mon propre être. Certains ont voulu voir dans le succès du sandwich Mac Donald, le désir de retrouver la rondeur et la souplesse du sein maternelle. Nous sommes des enfants en quête de leur origine même quand nous mangeons. A travers la nourriture que j’absorbe, en moi se pose la question de mon identité personnelle. José Bové est peut-être passé à côté de cette dimension psychologique en situant son combat contre la «mal bouf» à un niveau politique et économique. Assimiler l’aliment en soi est l’expression d’une quête personnelle et existentielle.
Se nourrir, un rituel religieux
On le voit, lorsque l’homme se nourrit, il dépasse sa simple animalité. Les questions de l’autre, de la mort et de soi, sont sous-jacentes à l’acte de manger. L’homme qui mange est un être de communion et qui s’angoisse, un être temporel et esthétique. Se nourrir est autant un acte physique que métaphysique. Il est intéressant à noter que le mot sagesse, sapientia en latin, vient du verbe sapere, goûter. L’amour de la sagesse, étymologiquement la philosophie, c’est goûter les meilleures choses. Si le rapport à la nourriture est existentiel, il est normal que la religion s’incarne dans cette dimension. Mais alors qu’apporte le christianisme dans l’assiette de nos repas ? La nutrition n’est pas que destruction de l’aliment, mais échange avec autrui par la parole avons-nous dit ; cette ouverture à l’autre va jusqu’à l’accueil de la Parole elle-même. La vie ce n’est pas que l’absorption d’une nourriture matérielle, mais c’est aussi l’ouverture à la nourriture spirituelle. »Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez,… la vie n’est-elle pas plus que la nourriture ?» (Mt 6,25). Il s’agit dès lors de se nourrir de la Parole de Dieu. «Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu» (Mt 4, 4). Non seulement la parole fait partie du repas, mais elle devient la nourriture. »Mange le petit livre ouvert. Il te remplira les entrailles d’amertume, mais en ta bouche il aura la douceur du miel.» (Ap 10, 9). Avec la Révélation, nous sommes passés de la destruction biologique de l’autre, l’aliment et de l’échange culturel avec l’autre par la parole, à l’accueil religieux du tout Autre dans sa Parole. Mais, par le Christ et par l’eucharistie le repas religieux accomplit ce qu’il avait commencé dans le passage du processus biologique à l’acte culturel. Il ne s’agit plus de lutter contre la mort en détruisant l’aliment et de ralentir le temps en préparant le repas et s’y reposant. Mais l’aliment lui-même nous incorpore à Lui et donne la vie. Communier c’est être absorbé dans la vie du Christ. «Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture» (Jn 6, 54-55). Deviens ce que tu reçois, le corps du Christ. En recevant le pain, c’est le Christ qui nous reçoit. L’eucharistie est le seul repas où celui qui mange est absorbé par l’aliment. Déjà le repas manifeste cet arrêt du temps dans le flux vers la mort. Avec le Christ qui donne sa vie pour nous, la mort est vaincue. »Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle» (Jn 6, 27). L’inconsistance de la vie humaine qui doit se nourrir pour subsister peut trouver un appel à se nourrir de Dieu qui seul a consistance. En faisant un bon usage des biens qui passent, on peut s’attacher au Bien qui demeure. Dès lors les questions esthétiques et les angoisses psychologiques peuvent trouver leur accomplissement dans le repas de la fin des temps. Ce que je suis s’éclaire face à l’invitation de Dieu. «Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi» (Ap 3, 20). La communion avec Dieu me révèle à moi-même. Je ne suis plus un simple individu qui tente de subsister, mais une personne aimée de Dieu. Ce rapport à Dieu rend possible une communion des saints. »Heureux les gens invités au festin des noces de l’Agneau» (Ap 19, 9). Dieu nous invite à son festin. «Vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume» (Lc 22, 30).
De la nourriture terrestre à la nourriture céleste
Par l’incarnation, le Fils du Père, né d’une femme s’est abaissé jusqu’à notre humanité dans la réalité biologique de la naissance et de la reproduction. En naissant parmi les hommes, Dieu atteint toute l’espèce humaine. Mais il continue l’appropriation de notre humanité biologique par la nutrition. Par l’eucharistie, Dieu se donne en nourriture à chacun. La réalité biologique de la nutrition pose les questions du rapport à l’autre, de la mort, de la subsistance de l’individu. Par sa conscience et sa culture, l’homme réfléchit à ces questions qui le touchent profondément. La communion des corps et des esprits, la parole, la suspension provisoire du temps et l’esthétisme dans le repas sont un premier dépassement. La parole de Dieu, l’eucharistie et la communion des saints sont l’accomplissement céleste de ce qui est en germe dans la nourriture terrestre. Bénir le repas avant de manger, c’est se rappeler qu’en mangeant nous sommes des créatures dont l’inconsistance physique est ouverture vers la consistance divine. «Qui mangera et qui boira, si cela ne vient de Dieu ?» (Qo 2,25). s
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Se nourrir, un processus biologique
Se nourrir est une activité propre à l’être vivant. C’est un processus biologique qui rapproche l’homme de la plante ou de l’animal. Comme vivant qui se nourrit, l’homme est plus qu’une pierre, un glacier ou une étoile. Je mange une banane en ouvrant la bouche et en la détruisant avec mes dents et mon estomac. L’être vivant, à la différence de l’être inerte, peut assimiler l’autre à soi. Il intègre l’aliment extérieur pour qu’il devienne intérieur à soi, en se transformant à l’intime de lui-même. Cela suppose à la fois une plus grande unité et une ouverture sur l’extérieur. L’animal a une peau et une gueule. La plante a une écorce, des racines et des feuilles. La pierre a une surface et pas d’ouverture. Si le glacier «grandit» c’est par accumulation externe et non par digestion interne et transformation de l’aliment. La terre n’a pas vraiment d’entrailles mais une croûte terrestre, durcissement externe du magma. En revanche, l’être vivant manifeste une plus grande unité par sa délimitation externe (peau, carapace, écorce) et par la capacité à s’ouvrir sur l’aliment extérieur pour l’assimiler en soi. La nutrition n’est pas un amas extérieur, mais la digestion de l’autre en soi. Mais pourquoi ce besoin d’assimiler l’autre à soi ? En fait la vie est une lutte contre la mort. Je mange pour ne pas mourir de faim. Il faut manger pour vivre. La nourriture est un apport d’énergie externe, qui va à l’encontre de la dégradation du vivant. Se nourrir c’est lutter contre l’entropie, c’est-à-dire la tendance de tout être à se détériorer. Avec le temps, les choses ont plutôt tendance à s’user, à aller vers moins d’ordre. L’être vivant assimile l’aliment pour organiser un ordre propre, l’organisme vivant. Manger c’est reprendre des forces. La nourriture est une lutte contre le dépérissement. Et cette lutte contre la mort est un désir de subsistance de l’individu, de demeurer soi-même dans le temps. L’autre processus propre à l’être vivant est la reproduction, c’est-à-dire la génération d’un être semblable à soi selon l’espèce. Le chat engendre un autre chat. Dans la reproduction, ce qui subsiste c’est l’espèce animale ou végétale. Mais un individu disparaît pour un autre individu. En revanche, la nutrition est volonté de permanence de l’individu. En mangeant, je lutte contre ma propre dégradation. C’est mon existence qui est en jeu. Même si la mort biologique est irrémédiable, manger c’est pouvoir subsister un certain temps.
Se nourrir, un acte culturel
Se nourrir est bien pour l’homme un processus biologique qui le rend semblable aux plantes et aux animaux par l’assimilation de l’autre à soi, la lutte contre la mort et la subsistance temporaire de l’individu. Pourtant, la personne humaine ne se réduit jamais à sa dimension physique et biologique. La nature de l’homme est culture. Se nourrir a aussi une signification culturelle qui semble vouloir dépasser son sens biologique. L’homme mange pour vivre, mais il peut aussi vivre pour manger. Voyons comment l’être de culture renverse le processus purement biologique. Si je mange en assimilant l’autre, en dévorant l’aliment, la nutrition humaine est aussi rencontre de l’autre. Le repas est un échange. Il est le lieu et le moment où se rencontre la famille. Que ce soit de manière quotidienne ou exceptionnelle les jours de fête, le repas est le lien qui unit des personnes. Le repas est convivial. Il nous permet de vivre ensemble. En se passant les plats, on s’échange des paroles. La nutrition humaine est communion des corps et des esprits. La discussion et le jeu libre de la parole expriment le rapport à autrui. Non seulement le repas signifie ma relation à l’autre, mais il marque mon identité sociale. Chaque pays et région ont leur spécificité culinaire. Et ma manière de ma tenir à table manifeste une éducation, une culture, une certaine politesse. Roter à la fin d’un repas n’est pas un signe de politesse dans toutes les cultures. Par ailleurs, si la nutrition est une lutte contre la dégradation de la mort, c’est aussi pour l’homme un certain rapport au temps. L’homme prépare sa nourriture. L’animal la mange telle qu’elle se donne dans la nature. L’homme cuit ses aliments. Et s’il les mange crus comme les animaux il les assaisonne et les prépare. Il y a un temps avant le repas de préparatifs des aliments et du cadre dans lequel on mange. Et le repas revient régulièrement pour suspendre le temps et les activités. Manger c’est prendre le temps de se reposer. La vie se rythme de moments, où la fuite en avant de la vie semble s’arrêter. Prendre le temps de s’asseoir et de s’installer à la table, c’est poser une stabilité dans un flux qui nous emporte. Par la préparation et le repos du repas, la nourriture humaine semble vouloir ralentir la dégradation du temps. L’homme se refuse tellement à ne voir dans la nutrition qu’un processus biologique, qu’il en fait un acte esthétique. Il met en scène son désir. Manger ce n’est pas simplement rassasier un besoin en attendant l’activité mécanique de la digestion. Manger c’est un plaisir et un loisir, un moment de gaieté, dans la lourdeur des jours. Il y a un rituel : l’heure du repas, l’entrée, le plat central, le dessert, la table, les couverts, la boisson. La mise en scène et le spectacle sont essentiels. On ne mange pas n’importe comment. A telle enseigne, que certains en font un lieu de raffinement. La cuisine devient l’art culinaire. Et cette activité esthétique aurait le privilège de faire jouer nos cinq sens. Le décor est important. L’ambiance ou le silence sont essentiels dans un restaurant. Mais ce n’est pas simplement un art de l’ouïe comme la musique, ou de la vue comme la peinture. Le toucher des couverts, l’odeur des plats et le goût des aliments achèvent de mettre tout notre corps sensible en action. Si se nourrir est une communion des esprits, un acte temporel et esthétique, c’est qu’à travers le corps c’est la dimension psychologique de la personne qui est en jeu. Par la nourriture, on atteint le moral et l’âme de l’homme. Sur un bateau, le talent du cuisinier est de la plus haute importance. La forme de l’équipage peut dépendre de ce qu’il y a dans les assiettes. Et sur terre, certains compensent en mangeant trop, pour d’autres l’angoisse et le stress leur coupent l’appétit. Sans aller jusqu’aux extrêmes de la boulimie et de l’anorexie, il faut reconnaître que notre manière de manger manifeste notre bonheur ou notre mal-être. Pourquoi cette angoisse de ne pas savoir ce que l’on mange dans les produits de l’industrie agro-alimentaire ? Peut-être que l’inconnu de l’aliment que j’absorbe en moi est l’écho de ma propre ignorance sur moi-même, sur qui je suis vraiment. En mangeant des aliments que je connais j’essaie de me rassurer sur mon propre être. Certains ont voulu voir dans le succès du sandwich Mac Donald, le désir de retrouver la rondeur et la souplesse du sein maternelle. Nous sommes des enfants en quête de leur origine même quand nous mangeons. A travers la nourriture que j’absorbe, en moi se pose la question de mon identité personnelle. José Bové est peut-être passé à côté de cette dimension psychologique en situant son combat contre la «mal bouf» à un niveau politique et économique. Assimiler l’aliment en soi est l’expression d’une quête personnelle et existentielle.
Se nourrir, un rituel religieux
On le voit, lorsque l’homme se nourrit, il dépasse sa simple animalité. Les questions de l’autre, de la mort et de soi, sont sous-jacentes à l’acte de manger. L’homme qui mange est un être de communion et qui s’angoisse, un être temporel et esthétique. Se nourrir est autant un acte physique que métaphysique. Il est intéressant à noter que le mot sagesse, sapientia en latin, vient du verbe sapere, goûter. L’amour de la sagesse, étymologiquement la philosophie, c’est goûter les meilleures choses. Si le rapport à la nourriture est existentiel, il est normal que la religion s’incarne dans cette dimension. Mais alors qu’apporte le christianisme dans l’assiette de nos repas ? La nutrition n’est pas que destruction de l’aliment, mais échange avec autrui par la parole avons-nous dit ; cette ouverture à l’autre va jusqu’à l’accueil de la Parole elle-même. La vie ce n’est pas que l’absorption d’une nourriture matérielle, mais c’est aussi l’ouverture à la nourriture spirituelle. »Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez,… la vie n’est-elle pas plus que la nourriture ?» (Mt 6,25). Il s’agit dès lors de se nourrir de la Parole de Dieu. «Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu» (Mt 4, 4). Non seulement la parole fait partie du repas, mais elle devient la nourriture. »Mange le petit livre ouvert. Il te remplira les entrailles d’amertume, mais en ta bouche il aura la douceur du miel.» (Ap 10, 9). Avec la Révélation, nous sommes passés de la destruction biologique de l’autre, l’aliment et de l’échange culturel avec l’autre par la parole, à l’accueil religieux du tout Autre dans sa Parole. Mais, par le Christ et par l’eucharistie le repas religieux accomplit ce qu’il avait commencé dans le passage du processus biologique à l’acte culturel. Il ne s’agit plus de lutter contre la mort en détruisant l’aliment et de ralentir le temps en préparant le repas et s’y reposant. Mais l’aliment lui-même nous incorpore à Lui et donne la vie. Communier c’est être absorbé dans la vie du Christ. «Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture» (Jn 6, 54-55). Deviens ce que tu reçois, le corps du Christ. En recevant le pain, c’est le Christ qui nous reçoit. L’eucharistie est le seul repas où celui qui mange est absorbé par l’aliment. Déjà le repas manifeste cet arrêt du temps dans le flux vers la mort. Avec le Christ qui donne sa vie pour nous, la mort est vaincue. »Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle» (Jn 6, 27). L’inconsistance de la vie humaine qui doit se nourrir pour subsister peut trouver un appel à se nourrir de Dieu qui seul a consistance. En faisant un bon usage des biens qui passent, on peut s’attacher au Bien qui demeure. Dès lors les questions esthétiques et les angoisses psychologiques peuvent trouver leur accomplissement dans le repas de la fin des temps. Ce que je suis s’éclaire face à l’invitation de Dieu. «Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi» (Ap 3, 20). La communion avec Dieu me révèle à moi-même. Je ne suis plus un simple individu qui tente de subsister, mais une personne aimée de Dieu. Ce rapport à Dieu rend possible une communion des saints. »Heureux les gens invités au festin des noces de l’Agneau» (Ap 19, 9). Dieu nous invite à son festin. «Vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume» (Lc 22, 30).
De la nourriture terrestre à la nourriture céleste
Par l’incarnation, le Fils du Père, né d’une femme s’est abaissé jusqu’à notre humanité dans la réalité biologique de la naissance et de la reproduction. En naissant parmi les hommes, Dieu atteint toute l’espèce humaine. Mais il continue l’appropriation de notre humanité biologique par la nutrition. Par l’eucharistie, Dieu se donne en nourriture à chacun. La réalité biologique de la nutrition pose les questions du rapport à l’autre, de la mort, de la subsistance de l’individu. Par sa conscience et sa culture, l’homme réfléchit à ces questions qui le touchent profondément. La communion des corps et des esprits, la parole, la suspension provisoire du temps et l’esthétisme dans le repas sont un premier dépassement. La parole de Dieu, l’eucharistie et la communion des saints sont l’accomplissement céleste de ce qui est en germe dans la nourriture terrestre. Bénir le repas avant de manger, c’est se rappeler qu’en mangeant nous sommes des créatures dont l’inconsistance physique est ouverture vers la consistance divine. «Qui mangera et qui boira, si cela ne vient de Dieu ?» (Qo 2,25). s
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