Il y a ceux dont le départ était prévu ou attendu, et ceux qui sont tombés des nues. Mardi dernier, quelques minutes avant l'annonce du remaniement, certains ministres n'ont que très peu goûté le coup de téléphone (ou l'absence de coup de téléphone) leur annonçant qu'ils étaient débarqués du gouvernement. Depuis, ils répandent leur rancœur dans les médias.
« Pour eux, je n'avais pas les codes, pas le vernis »
La mise au point la plus cinglante est incontestablement à mettre à l'actif de Bernard Laporte. Le désormais ex-secrétaire d'Etat aux Sports, déjà déchargé quelques mois plus tôt du portefeuille de la Jeunesse au profit de Martin Hirsch, s'est remis à multiplier les plaquages, ce lundi dans Paris Match. Dans son viseur, le toujours ministre des Affaires étrangères, ainsi que l'ancienne garde des Sceaux :
« Il y a ceux qui ont considéré que je ne faisais pas partie de leur monde. Pour eux, je n'avais pas les codes, pas le vernis, pas les réseaux, je n'existais pas. Bernard Kouchner, par exemple, ne m'a jamais dit bonjour, jamais adressé la parole. Pour lui, j'étais transparent.
Avec Rachida Dati, cela n'a pas été plus facile. Il y a eu cette histoire… Des bruits couraient [qu'il était le père de son enfant, ndlr] qu'elle faisait mine d'ignorer. Je me demande même si elle n'en était pas à l'origine. (…) Elle a choisi d'en rire. Rachida, du moment qu'on parle d'elle, elle est contente. C'est une personne très fausse. »
Il est loin le temps où Bernard Laporte marchait bras dessus bras dessous avec la ministre de la Justice dans les jardins de l'Elysée, lors de la dernière garden-party du 14 Juillet… Entretemps, le secrétaire d'Etat a effectivement été des plus « transparents », mis à part pour créer la polémique, notamment après les sifflets qui ont accompagné « La Marseillaise » avant France-Tunisie en octobre.
Sa sortie du gouvernement s'est pourtant réalisée en douceur. S'il règle aujourd'hui ses comptes, ce n'est pas avec Nicolas Sarkozy ou François Fillon, qu'il « remercie ». Bernard Laporte a appris son limogeage lors d'un entretien de dix minutes mardi avec Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée. Le Président et le Premier ministre l'ont ensuite appelé, révèle Le Parisien. Il a même été reçu le lendemain par François Fillon. De quoi s'imaginer un avenir en politique :
« Les régionales de 2010 en Aquitaine ? Pourquoi pas. Xavier Darcos [candidat UMP malheureux à la mairie de Périgueux] et Alain Juppé [maire UMP de Bordeaux] sont d'accord. »
« J'attends toujours le coup de téléphone de François Fillon »
Christine Boutin n'a pas eu le droit à tant de déférence. Et elle n'a pas pris de pincettes pour faire savoir, ce lundi matin au micro d'Europe 1, qu'elle a été « traitée de façon inhumaine » :
« J'ai appris mon jetage au journal de 20 heures de TF1. (…) J'attends toujours le coup de téléphone de François Fillon, je suis vraiment choquée de son attitude. » (Voir la vidéo)
Il faut dire que celle qui s'estime « victime d'un délit de sale gueule » pensait rester. La représentante de la frange catholique de la droite confiait encore à La Croix début juin que sa « présence au sein de la majorité est indispensable » :
« Je crois que le Président, qui a un sens politique très fin, l'a intégré. Je représente une sensibilité qui ne comprendrait pas que Nicolas Sarkozy me remercie, tout en gardant Nadine Morano. »
Raté ! Mais sa colère pourrait effrayer Nicolas Sarkozy et le pousser à lui attribuer un lot de consolation. Après avoir laissé filer la tête du conseil général des Yvelines, elle fait aujourd'hui savoir qu'elle se verrait bien ambassadrice de la France au Vatican.
« J'espérais un traitement plus humain »
Son courroux, Yves Jégo, lui, l'a laissé s'exprimer dès le jour de l'annonce du remaniement. Sur sa page Facebook, l'ancien secrétaire d'Etat à l'Outre-mer exultait : « Yves Jégo mesure le véritable pouvoir d'un certain patronat et se prépare pour de nouveaux combats… » Celui qui jure qu'il ne va pas se priver d'exploiter sa « liberté de parole retrouvée » ne pensait plus devoir faire ses cartons.
Passé le désastreux épisode des grèves en Guadeloupe, sa responsabilité avait fini par être atténuée. Manque de budget pour répondre aux revendications, signes contraires donnés par Matignon, absence totale de sa ministre de tutelle, Michèle Alliot-Marie…
Mais les organisations patronales « békés » auraient tout de même fini par avoir sa tête. Une thèse accréditée jeudi par le leader des manifestants en Guadeloupe, qui s'opposait alors au ministre, Elie Domota lui-même, sur France Inter :
« D'après les bruits de couloirs, d'après les rumeurs, il semblerait que le patronat ait eu sa tête, entre guillemets. (…) Cela prouve la connivence qu'il peut y avoir entre les békés et certains acteurs du pouvoir central. »
Fidèle parmi les fidèles de Nicolas Sarkozy, au premier plan depuis la campagne présidentielle de 2007, Yves Jégo est logiquement amer. « J'espérais un traitement plus humain », glisse-t-il dans Le Parisien, avant d'évoquer l'hypothèse de la sortie d'un livre. A ranger, à n'en pas douter, au rayon des pamphlets.
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